«Les élèves développent un intérêt différent pour la branche»
Les échanges et la mobilité sont désormais inscrits dans la révision de la maturité gymnasiale, acceptée en juin dernier. Les établissements doivent ainsi mettre en oeuvre les conditions nécessaires pour permettre ce type d’activités.
En quoi a consisté le projet?
Stephan Bucher: Il s’agit d’un échange interculturel qui inclut travail collaboratif entre 15 élèves américains et 15 élèves neuchâtelois. Pour cette édition qui s’est déroulée sur l’année scolaire 2023-2024, les jeunes ont travaillé sur la question des droits humains et des différences entre leurs pays respectifs. La collaboration a commencé dès la rentrée, à distance dans un premier temps. Puis en automne, les étudiant-e-s suisses se sont rendu-e-s à Lexington, près de Boston, où le travail s’est poursuivi sous forme d’ateliers et de visites. Et en février dernier, ce sont les Américain-e-s qui sont venus à Neuchâtel pour finaliser le projet.
Le projet va au-delà d’un échange classique. Quelle plus-value en retirent les élèves?
SB: Avec ce type d’échanges thématiques, les étudiant-e-s vont s’engager sur le long terme. Il faut se rencontrer à distance, prendre un rendez-vous, s’y tenir, travailler en ligne. Il s’agit aussi de garder le fil tout au long du projet, en l’organisant dans le temps et en donnant un coup de collier quand il faut pour le finaliser. Ce sont des compétences précieuses qu’on peut mettre à profit dans la suite de ses études, sur le marché du travail et dans la vie. Chacun-e a pu se rendre dans le pays de l’autre et échanger avec des jeunes qui ont d’autres réalités, c’est extrêmement riche pour les étudiant-e-s. C’est le genre d’expérience qui marquent à vie.
Ce sont des compétences précieuses qu’on peut mettre à profit dans la suite de ses études, sur le marché du travail et dans la vie.
Quid des enseignant-e-s?
SB: Mettre sur pied ce type de projets, même moins ambitieux, est complexe pour les enseignant-e-s. C’est d’abord un challenge au niveau de la charge de travail. Il faut aussi pouvoir lâcher prise et s’éloigner parfois un peu du programme scolaire de base, ce qui peut être déstabilisant. Mais lorsque l’enseignant-e arrive à intégrer le projet à son cours, il y a un retour sur investissement. Les élèves vont davantage s’investir et développer un intérêt différent pour la branche que lors d’un cours classique. Pour les enseignant-e-s, c’est très gratifiant.
Comment rendre l’échange plus accessible?
SB: Le projet entre Neuchâtel et Lexington est un exemple parmi d’autres. Et vu son ampleur, ce n’est pas réaliste de pouvoir le proposer à tous les élèves des gymnases. Mais il existe d’autres façons plus modestes d’envisager l’échange. A Neuchâtel par exemple, nous menons un projet pilote de e-tandem avec le canton de Zurich. On profite ainsi du terrain avantageux que nous offre la Suisse en termes de diversité culturelle. Nous avons aussi mené des échanges thématiques sur le thème de l’eau avec un lycée près de Hambourg, où les professeur-e-s de chimie étaient impliqués. L’idée que les échanges ne concernent que les profs de langue n’est plus d’actualité!
Les échanges et la mobilité sont ancrés dans la révision de la maturité gymnasiale. Comment transposer cela dans la réalité?
SB: Il faut continuer le travail de sensibilisation dans les gymnases, auprès des directions et des enseignant-e-s. On ne peut pas les contraindre, mais on peut faire passer le message qu’il existe des structures, comme Movetia, vers lesquelles on peut se tourner pour obtenir un soutien financier par exemple. Il faut aussi une volonté politique pour pousser les échanges. A Neuchâtel, avec la mise en place de la plateforme move@ne, le canton a pu développer une stratégie en matière de mobilité. C'est essentiel pour faire évoluer les échanges.
L'interdisciplinarité doit être renforcée selon le plan d'études cadre pour les gymnases. Un argument en faveur des échanges?
SB: Les intentions sont là, mais dans le concret, tout le monde n’avancera pas à la même vitesse. Notamment les cantons où la priorité sera le passage du gymnase de trois à quatre ans. Mais, je reste optimiste! L’un des buts de la maturité gymnasiale consiste à préparer les élèves à faire face aux tâches exigeantes de la société. Les aptitudes développées lors des échanges, comme l’autonomie, la confiance en soi et les compétences interculturelles, vont précisément dans ce sens: elles sont des précieux atouts pour vivre dans le monde de demain.